Leocadia : La compagnie des Ballons Rouges redonne vie à un Anouilh pétillant et romanesque – Le Lucernaire (Paris)

Les rangs se resserrent dans la salle du Paradis. Nous attendons cette fameuse Léocadia tant évoquée sur les affiches. Elle ne viendra pas, elle n’est plus de ce monde. Léocadia est un reflet peu connu de l’univers de Jean Anouilh, dont le travail s’illustre souvent et toujours par la didactique lutte d’Antigone. Créée en 1940 au théâtre de la Michodière, elle est de ces « pièces roses » comme Le Bal des Voleurs qui renoue avec un jeu avec l’imaginaire et un sens de l’évasion. C’est là qu’intervient la compagnie des Ballons Rouges, adepte du dépoussiérage des classiques dont la note moderne semble idéale pour éloigner le mauvais souvenir de l’étude très scolaire d’auteur.rices plus ou moins contemporain.es.
La lumière s’ouvre sur un kiosque étincelant aux allures de carrousel, ses mouvements entrainent une musique dont seules les boîtes à musiques ont le secret. Un homme (qui est autre que le metteur en scène David Legras) fait son apparition, posant une question existentiellement pour chaque spectacteur.rice : « Pourquoi aller au théâtre ? ». L’idée de regarder des histoires d’inconnu.es ou même fictives nous rappellerait le caractère éphémère de notre mémoire « dont l’oubli est le pendant cruel mais nécessaire et salvateur (..) Si nous sommes faits de nos souvenirs, que devenons nous lorsque nous les laissons échapper ? »
Amanda (Camille Delpech), jeune ouvrière modiste, arrive au château de Pont-au-Bronc pour chercher du travail. La propriétaire des lieux, La Duchesse D’Andinet d’Andaine (Valerie Français) lui avait promis un poste. Pourtant, sur place, cet emploi n’existe plus. Elle n’y trouve qu’un Monsieur Souvenir (Drys Penthier) en tentant de redre la gare en pleine nuit. Amanda ne la connait pas mais elle est le portrait de la cantatrice Léocadia Gardi, grand amour du prince Albert Troubiscoï (Emilien Raineau) tragiquement décédée quelques jours après leur rencontre. Étant inconsolable, la duchesse a reproduit dans sa propriété tous les lieux emblématiques de leur courte idylle et d’engager celles et ceux qui les ont rencontrés pour aider son neveu. Sauf qu’Amanda ne souhaite pas incarner une « simple » reproduction mais cherche à cre au fond du spleen d’Albert.
Le carrousel tourne à mesure que les souvenirs s’effacent, la peur mélancolique s’installe. Le conte nous fait nous évader grâce à la fougue de la compagnie des Ballons Rouges dont la maîtrise du comique de situation ne fait plus de doutes notamment grâce au jeu hilarant de Axel Stein-Kurdzielewicz et Drys Penthier. Le rythme est cette fois moins soutenu que dans Le Barbier de Séville mais plus millimétré. Il faut aussi saluer le travail des décors de Jacques Poix-Terrier et des costumes de Jérôme Ragon. Bref Léocadia est la parenthèse parfaite pour fuir le quotidien et questionner notre rapport aux souvenirs.
Crédits photos : Yan Ray

Léocadia
Écrite par Jean Anouilh
Mise en scène par David Legras
Interprété par Camille Delpech ou Carla Girod, Valérie Français, David Legras, Emilien Raineau, Drys Penthier ou Laurent Labruyère, Axel Stein-Kurdzielewicz ou Dominique Bastien
Du mercredi au dimanche à 21H ou 18h
Jusqu’au 27 juillet 2025
Théâtre Rouge - Le Lucernaire (Paris 6ème)
Jade SAUVANET