Palme d'Or-Cannes 2025 : la consécration pour Jafar Panahi
« L'art, déclarait Juliette Binoche lors de l'ouverture de la 78e édition, est le témoignage puissant de nos vies et de nos rêves ». La sélection permettait à son jury de choisir des images de vie, de rêve… ou de cauchemar.
A partir d'une sélection très sombre, le jury de Juliette Binoche a su équilibrer le cinéma du réel et le cinéma du rêve pour construire un palmarès lumineux.
Cette édition du festival, très politique, a été de bout en bout traversée par un enjeu: la mise à mal de l’État de droit et de la démocratie, dans des contextes très divers.
La corruption soviétique («Les Deux Procureurs», implacable, de l‘Ukrainien Sergei Loznitsa), la dictature brésilienne des années 1970 (le brillant «L’Agent secret» de Kleber Mendonça Filho), le complotisme américain (le débridé «Eddington» d’Ari Aster), la violence et l’arbitraire du régime égyptien (le classique mais percutant «Les Aigles de la République» de Tariq Saleh)… mais c'est la portée du cinéma très politique de l'iranien Jafar Panahi qui a emporté le morceau samedi soir dernier
En 2009, lors d'un énième mouvement de répression du régime des mollahs, Jafar Panahi plaidait sa cause au tribunal. Le cinéaste, qui venait de er 100 jours au mitard, crut utile de rappeler au juge qu'au musée de Téhéran, ses prix internationaux étaient exposés dans une vitrine plus vaste que sa cellule. Seize ans plus tard, il vient de compléter la collection avec une Palme d'or. L'une des plus belles de l'histoire du festival de Cannes.
Après un Lion d'or à Venise pour « Le cercle » (2000) puis un Ours d'or à Berlin pour « Taxi Téhéran » (2015), la Palme achève pour Jafar Panahi un grand chelem exceptionnel. Artiste engagé, ce fils d'un peintre en bâtiment cinéphile est sorti de prison en 2023 après une grève de la faim. Il s'est aussitôt remis au travail.
Le 20 mai dernier, quand « Un simple accident » a été dévoilé sur la Croisette, le cinéaste n'avait plus partagé l'un de ses films avec son public depuis 15 ans ! Lorsque les lumières se sont rallumées, il a songé au jour de sa libération… Puis à ses amis restés derrière les murs. « Le cinéma est une société où personne n'a le droit de nous dire ce qu'on doit faire ou ne pas faire », a-t-il clamé sous ses verres fumés en recevant sa Palme.
Des mots qui renvoient à sa plaidoirie de 2009 où il tentait d'expliquer au juge pourquoi « nul ne peut forcer à un artiste à ne pas voir ». Ou peut-être à son tout premier film, « Le ballon blanc », Caméra d'or au festival Cannes, il y a juste trente ans. Une petite fille y lance : « Je voulais voir ce qu'ils ne voulaient pas que je vois ».
L’auteur de Taxi Téhéran (2015) y charge toute la colère d’un pays à bord d’un van, que des victimes du régime des mollahs, persuadées d’avoir retrouvé leur bourreau, transforment en tribunal de fortune.
Produit par le Français Philippe Martin (Anatomie d’une chute), ce thriller percutant et profond a été tourné clandestinement à Téhéran, puisque Jafar Panahi, artiste longtemps persécuté, se e d’autorisation pour travailler.
« Un simple accident » s'ouvre de nuit. Un choc, trois fois rien, conduit le conducteur d'une automobile dans un atelier… Soudain, un homme le reconnaît ! On vous racontera la suite très prochainement puisqu'on a pu voir le film sans être à Cannes et qu'on l'a beaucoup apprécié...
Vu dans le cadre des avant-premières Cannes s'invite dans les cinémas Pathé