Requin Velours : Un uppercut à 3 rounds pour se reconstruire

Les spots aux tons bleuâtres et violets dévoilent un ring de boxe dans les fonds abyssaux du Théâtre Ouvert. Le croisement des tons nous plonge dans un océan de couleurs marines pendant que Roxane (Mécistée Rhea) s’installe dans l’espace, le regard acéré. Talons hauts transparents, le ring de boxe devient terrain de danse. Le corps se mouvoit, ondule comme la petite fille qui saute dans la mer.
Ce corps, Roxane ne le sent plus. Roxane a été violée mais elle court désorientée, jusqu’à tomber sur ce bar de camping. A l’intérieur, elle croise Joy (Cécile Mourier) et Kenza (Amandine Grousson), deux musiciennes membre du groupe « Les Loubardes ». L’histoire se tisse à trois. Pour que Roxane monte sur le ring face à ses traumatismes, les Loubardes l’aident à reconstituer sa pensée. Elles racontent ravages et mutations provoquées par le viol, créent de nouvelles réalités pour reprendre le pouvoir et le combat.
Round 1 : le désir de justice. Les trois amies reconstituent les procédures judiciaires et ses déboires risibles, sans oublier la temporalité longue. On comprend vite le « Classée sans suite, comme beaucoup d’autres » ; Roxane ret les 94% de plaintes pour viols classées. Vient le round 2 : la vengeance. A la désillusion de la justice succède la colère qui débarque sous forme de rage. Roxane est prête à donner les coups, quitte à ne pas esquiver. L’envie de tuer son agresseur sommeille mais Gaëlle Axelbrun appuie à ce moment sur les codes du « rape and revenge », genre cinématographique trop associée selon elle à un male gaze et un manque de réalisme. Pour reprendre le contrôle sur le ring, Roxane se transforme elle-même en « requin soyeux » dans cet océan de prédateurs en puissance, en se devenant travailleuse du sexe.
Traitement pour une fois à souligner au vu du nombre d’œuvres qui font de ce milieu une pierre angulaire. Un psy dit qu’elle fait payer les hommes, peu importe. La fièvre de son corps réapparaît. Roxane soutenue par ses sœurs de cœurs, peut se débarrasser de la culpabilité, de la « salissure » ressentie par chaque victime. Le troisième round a déjà débuté, la réparation est longue mais ne peut se faire sans la sororité. Déclarations oniriques et dialogues intérieurs fusent pour l’acceptation d’une fin qu’elle ne pensait pas.
Le combat prend diverses formes, autant par les positions des trois amies que par le dispositif scénique tri-frontal qui convoque le public dans l’intime, ne le laissant pas juste spectacteur.rices. Il met un pont entre les mots crus et la langue sensible. Ce combat rencontre la sensualité de la danse et les fictions que Roxane se crée avec les Loubardes.
La plume acerbe frontale de Gaëlle Axelbrun nous offre un moment de grâce et un uppercut emmené par un trio de femmes puissantes racontant le chemin vers la reconstruction : chacune représente un besoin de justice, de réparation et de vengeance. La force du texte ne serait telle sans le jeu des trois comédien.nes formidables. Les dernières minutes nous laissent avec une question : la réparation est-elle réellement possible ?
Crédits photos : Christophe Raynaud de Lage

Requin Velours
Écrite et mise en scène par Gaëlle Axelbrun
Interprété par Mécistée Rhea, Cécile Mourier, Amandine Grousson, Maïlys Trucat avec la participation de Gaëlle Axelbrun
1h30
La pièce s’est jouée du 6 au 21 février 2025 au Théâtre Ouvert (Paris 20ème)
Tournée :
Théâtre du Point du Jour, Lyon > mardi 25 mars à 20h00 mercredi 26 mars à 20h00 jeudi 27 mars à 20h00
WET Festival, Tours > samedi 29 mars à 19h00 dimanche 30 mars à 16h00
Jade SAUVANET
La pièce vient jouer sur Lyon
Mardi 25, mercredi 26, jeudi 27 mars • 20h au Théâtre du Point du Jour - Lyon