Suzanne Valadon, une artiste sans concession et d'une incroyable modernité
En attendant de retrouver l’inspiration, je me suis plongée dans un roman graphique consacré à l’artiste peintre Suzanne Valadon dont je ne connaissais rien. J’étais intriguée par le fait qu’elle ait réussi à devenir artiste alors qu’elle est née d’une mère célibataire bonne à tout faire et qu’elle a été elle-même fille mère à 18 ans.
Suzanne Valadon, sans concession, est illustré par Coline Naujalis et avant même de lire les textes, j’ai été scotchée par ses dessins en particulier, celui-ci :

Il représente Flore Mongin (qui écrit les textes) : cette dernière raconte qu’à 18 ans, elle est tombée sur une biographie de Suzanne Valadon qu’elle a dévoré en deux jours.
En dehors du fait qu’on y voit une lectrice, j’aime beaucoup le jeu de lumière sur le mur et les couleurs choisies.
Suzanne Valadon (dont le vrai prénom est Marie-Clémentine ) est débrouillarde très tôt (probablement parce que sa mère cumule deux emplois pour survivre et qu’elle a peu de temps pour s’occuper d’elle).
Elle quitte l’école à 12 ans, rentre dans un atelier de couture puis à 15 ans devient acrobate écuyère dans un cirque tout en dessinant. Un soir de première elle chute de cheval.
Avec sa jambe cassée, la jeune fille doit rester alitée pendant des semaines. Elle laisse alors libre cours à sa ion, ant de longues heures à dessiner des objets, les chats du voisinage et les toits entraperçus aux fenêtres.
Comment ne pas penser à Lautrec (spoiler : elle va le rencontrer et plus si affinités ) qui, envoyé en cure régulièrement dès son plus jeune âge, à cause de ses problèmes de santé, s’ennuie et se met à dessiner ? (à lire, Lautrec de Matthieu Mégevand, un portrait bouillonnant du peintre).
Comment ne pas penser à Frida Kahlo qui suivait des études de médecine avant son terrible accident à la colonne vertébrale et ses multiples opérations et qui va se tourner vers l’art ? (à lire Rien n’est noir de Claire Benest)
J’ai appris au age que dans les années 1880, il existait des marchés de modèles et que le plus connu était place Pigalle. Marie-Clémentine (future Suzanne, vous suivez ?) déteste cet endroit mais elle a besoin d’argent et elle va poser pour Puvis de Chavanne, pour Renoir . Elle est très demandée du fait de ses talents d’acrobate.

Même si elle est la modèle, elle regarde, enregistre, absorbe, jusqu’à acquérir des réflexes et pouvoir reproduire les moindres gestes de l’artiste.
Parce qu’elle travaille à Montmartre, elle côtoie aussi un milieu artistique et intellectuel qui lui aurait été inaccessible étant donné sa condition. Au fil des ans, elle continue à aller au Louvre et à dessiner.
Ce qu’on peut noter (et qui est probablement vrai aussi aujourd’hui) c’est que ce sont les rencontres qu’elle a pu faire qui l’ont aidé à faire connaitre son art (elle pose pour Lautrec et c’est lui qui va “l’envoyer” chez Degas). Est ce que la photographe Vivian Maier aurait exposée de son vivant si elle avait, ce qu’on appelle aujourd’hui, un réseau ? Voulait-elle seulement être connue ? J’ai lu plusieurs livres parus à son sujet mais il reste beaucoup de zones d’ombre.
Parmi ces rencontres, celle avec le compositeur Erik Satie (saviez-vous qu’il a composé ses fameuses gymnopédies à 22 ans seulement ?) est assez romanesque. Leur liaison est courte (6 mois) mais il compose pour elle Danses gothiques (la classe quand même !). Quand à Suzanne, elle fait le portrait de son amant à l’huile.
Suite à leur rupture, il compose l’œuvre Vexations (dont l'exécution complète peut varier, selon Wikipedia, entre 14 et 24 heures, voire 28 ou 35, selon le tempo adopté par le ou les interprètes). A côté le monologue shakespearien chanté par Vincent Delerm c’est de la gnognote. Bref Satie est méchamment vexé mais Suzanne se sentait trop à l’étroit avec lui.
Ce qui frappe tout au long de ce roman graphique, c’est le caractère déterminé, audacieux, libre de Suzanne Valadon. Preuve en est son tableau Adam et Eve où elle peint un homme nu de façon crue (pour l’époque) et naturelle. Ce n’est point “Couvrez ce sein que je ne saurais voir, par de pareils objets les âmes sont blessées”* mais cachez cette verge qui nous choque nous messieurs du comité du salon d’automne bien plus qu’un sexe féminin (d’où le collier de feuilles de vigne que Suzanne Valadon ajoute à posteriori) :
L’audace de cette artiste, on la retrouve dans le tableau très moderne La chambre bleue, où on voit une femme allongée sur un lit avec un esthétisme très différent de celui de l’époque :
Je me suis amusée à en dessiner un rapide croquis avec mes crayons pastel (toujours sur du papier pas assez lisse ! ) en reprenant les cernes (contours en art) omniprésents dans les dessins de Suzanne Valadon et qui sont une de ses “marques” de fabrique (j’y vois une filiation avec les traits à l’encre noir dans l’urban sketching).
Si on peut retenir une “leçon” du destin de Suzanne Valadon (dont j’aimerais aller voir l’expo qui lui est consacrée actuellement, au centre Pompidou), c’est qu’il faut faire preuve de beaucoup de patience dans son chemin artistique (et accepter les périodes où l’on stagne).
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