Critique film Annecy 2019 : BUÑUEL APRÈS L’ÂGE D’OR de Salvador Simó
Comme on l'a annoncé, ce matin, , on vous livre notre Première chronique des films présentés lors du festival d'Annecy.
On commence donc avec le film BUÑUEL APRÈS L’ÂGE D’OR de Salvador Simó qui sort prochainement en salles le 19 juin prochain et sera distribué par Eurozoom. Il est adapté du livre de Fermín Solís : BUÑUEL DANS LE LABYRINTHE DES TORTUES.
Synopsis : Après la projection de "L’âge d’or " à Paris et le scandale qui s’en suit, Luis Buñuel voit la porte de tous les studios se fermer devant lui. Mais l’homme n’a pas dit son dernier mot. Lui tombe alors entre les mains un projet de documentaire sur les Hurdes, région extrêmement pauvre et reculée d’Espagne. Avec l’aide de son ami sculpteur Ramon Acin, il part tourner ce qui deviendra "Une Terre sans Pain".
Le film s’ouvre sur un débat théorique un peu stérile qui tourne autour de la fonction de l’art et de ce qu’est le surréalisme. L’action prend place dans un café parisien, sans doute de la rive gauche, ou intellectuels et artistes, surtout ceux qui veulent se prétendre tels, discutent de manière à se faire mousser. La conversation dérive entre les différents locuteurs pour finalement s’arrêter au bout de la table sur un homme habillé en religieuse : Luis Buñuel.
Cette première séquence contient l’essence du film. Contre les poseurs et ceux tentant de théoriser de manière excessive l’art, il va s’agir ici d’observer la pratique seule, avec même un certain refus de la penser. Il s’agit de voir ce que fait l’artiste, son processus créateur. Un processus d’autant plus intéressant à observer quand il s’agit de Buñuel et de sa volonté de dramatiser le réel en le recréant et en y ajoutant sans cesse deux éléments mythiques : la mort et la religion.
Il s’agit aussi de comprendre l’artiste, qui est Luis Buñuel ? C’est la question que lui-même se pose pendant tout le film, d’une part parce que son identité est remise en question à cette période clé, suite à la violence des réactions face à "L’âge d’or " et au succès de Dali, qui se pose comme seul père du surréalisme.
Le film explore également qui est l’artiste par le prisme de sa jeunesse, chaque séquence d’enfance se posent comme une étape qui conduit Buñuel à devenir le réalisateur qu’il est. Salvador Simó s’attarde également beaucoup sur le père de Buñuel et leurs rapports conflictuels.
Ainsi, si le film a une trame assez classique, chronologique, s’insèrent dans la narration principale des images d"Une Terre sans Pain" qui fonctionnent comme des images d’archives, dont le noir et blanc vient trancher avec toutes les couleurs de l’animation.
Il y a aussi de nombreuses séquences de rêves, qui prennent parfois le pas sur la réalité. Purement surréaliste, ces séquences ont un traitement différents. Le numérique y est plus visible et plus assumé.
Un personnage fonctionne de la même manière, l’homme au grand chapeau, qui semble être un eur, un évadé du monde surréaliste qui arpente le réel, sans que l’on sache bien s’il est réel.
"Bunuel après l’âge d’or" est un film surprenant car, dans le parcours assez individuel qu’est celui de l’artiste, Salvador Simó travaille la question du collectif, la nécessité d’être avec les autres pour mener à bien des projets, car rien n’advient, surtout pas un film, si on est seul.
Son film travaille également, outre les rapports à la mort et à la religion d’un homme qui est le premier à les railler, sa manière de concevoir la création.
Une création qui doit être dans l’urgence, à réaliser toute suite car l’important n’est pas l’artiste, mais ce qu’il a à raconter.
"Bunuel après l’âge d’or" tente de comprendre la carrière de Buñuel en retraçant son évolution entre deux films clés, qui vont nourrir sa carrière à venir : "L’âge d’or" et "Terre Sans Pain" et demeure en cela aussi ionnant qu'intelligent.
Note : 4/5
BUÑUEL APRÈS L’ÂGE D’OR
De Salvador Simó
Avec Jorge Usón, Fernando Ramos, Cyril Corral
Date de sortie 19 juin 2019
Durée : 1h 26 - 86min