"Lou est perspicace comme l'aigle et brave comme le lion" disait Friedrich Nietzsche de Lou Andréas-Salomé. Si ce nom ne vous dit rien ou ne vous évoque que de lointains souvenirs de vos cours de philosophie de lycée, nous ne pourrions que vous conseiller chaleureusement le premier long-métrage de Cordula Kablitz-Post, un biopic extrêmement bien fait sur cette femme exceptionnelle qu'était Lou Andréas-Salomé, l'une des plus grandes intellectuelles de la fin du XIXème siècle, adulée par les plus grands.

                                   

Göttingen, 1933. Le jeune Ernst Pfeiffer (Matthias Lier) se rend au domicile de Lou Andréas-Salomé (Nicole Heesters), pour dit-il, implorer son aide, en sa qualité de psychanalyste. Un de ses amis souffre de l'angoisse de la page blanche, impossible pour lui d'écrire la moindre ligne de sa thèse depuis des semaines... Elle comprend immédiatement que c'est de lui dont il s'agit. Malgré son interdiction d'exercer par le régime, elle lui propose un marché : en échange de séances de psychanalyse quotidiennes, elle lui demande de rédiger ses mémoires. La menace nazie ne cessant d'enfler, elle comprend que le temps presse et qu'elle doit à tout prix immortaliser les souvenirs de sa vie, avant que les nazis ne s'en emparent...

Marché conclu.

                                     

Lou Andréas-Salomé va ainsi dérouler le fil de son incroyable vie et revivre ces moments fondateurs qui ont fait d'elle cet esprit si vif, si indépendant, si brillant.

Née en 1861 à Saint-Pétersbourg, Lou se ione très tôt pour la littérature et la philosophie, au grand dam de sa mère pour qui les études ne doivent pas primer sur la volonté de fonder une famille : pour elle, comme pour beaucoup à cette époque, la réflexion, l'envie d'apprendre, la pensée, étaient une affaire d'homme. C'est un pasteur qui lui fait faire, à ses 12 ans, la connaissance des philosophes de l'Antiquité et de Spinoza. Cette soif d'apprendre qui brûlait en elle va alors se libérer, et c'est avec cet éveil qu'elle va devenir un véritable "rat des bibliothèques".Elle façonne alors très vite cet esprit rebelle, féministe, frondeur, curieux de tout, au gré de ses lectures, des voyages à travers l'Europe, de ses rencontres, et non des moindres... 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au côté de penseurs et de philosophes comme Paul Rée, Friedrich Nietzche ou encore Sigmund Freud - qu'elle a d'ailleurs aidé à élaborer ses théories sur la psychanalyse - et dans les bras de Rainer Maria Rilke, elle s'est accomplie en tant qu'intellectuelle. En tant que femme, aussi. 

Ce film signé Cordula Kablitz-Post est inédit, à de nombreux points de vue. Tout d'abord, car il s'agit du premier biopic jamais produit sur elle. Fascinée par cette femme éprise de liberté qu'était Lou Andréas-Salomé, la réalisatrice et productrice était étonnée de voir qu'aucun film n'avait été réalisé sur une figure aussi importante que la sienne. Malgré son influence, la place qu'elle a occupé dans le paysage intellectuel, elle est aujourd'hui bien méconnue. Il aura fallu quatre ans à la réalisatrice et à la scénariste Susanne Hertel pour construire ce "film de fiction" et pour nous livrer ce film ionant. 

C'est ensuite un biopic qui se situe bien loin des films du genre, souvent ronflants, par définition. J'ai accueilli ce film comme une fiction, comme le roman d'une vie mise sur grand écran. Ce film, à l'image de la vie du "personnage" éponyme, est ionnant.

J'ai particulièrement aimé la manière très originale de représenter les sauts dans le temps et l'espace, matérialisés par de petites "cartes postales", des séquences figées représentant la ville ou le pays dans lequel Lou débarquait. On la voit, comme une petite poupée, marcher à travers un Zurich, un Rome, ou un Berlin, immobile. Belle métaphore de son arrivée dans une ville qu'elle va, par son intelligence, sa volonté de défier les conventions, ébranler.

Les actrices qui incarnent tour à tour notre protagoniste sont toutes excellentes. Mention spéciale bien sûr, pour Katharina Lorenz et Nicole Heesters, que l'on voit le plus.

J'aime ces films qui lèvent le voile sur des épisodes historiques ou des figures qui sont, on ne sait trop pourquoi ni comment, tombés dans l'oubli. Ce biopic est une excellente manière de nous faire découvrir Lou Andréas-Salomé et de la réhabiliter, d'une certaine manière.

 

Jetez un coup d'oeil sur Allociné, il reste encore de nombreuses séances de ce film et il y en a sûrement une près de chez vous !

 

 

 

A noter que les éditions Folio accompagnent la sortie du film  de Cordula Kablitz-Post en rééditant depuis le 6 mai dernier  la biographie de Lou Andreas-Salomé de Dorian Astor qui complètent la vision du film en insistant parfaitement sur les combats de cette écrivaine, philosophe, psychanalyste qui impressionne par son panache.