Monsieur Vertigo: quand Paul Auster nous fait tutoyer les anges
Troisième volet de ma série "Les histoires extraordinaires du jury littéraire de mon quartier" après Farhenheit 451 et Une promesse -le 4e livre composant la sélection, une obscure histoire d'Inuit marchant dans l'antarctique à la recherche d'un renne m'ayant, comment dirais je? légerement peu ionné ( litote, litote, j'aime ton nom :o)- c'est avec un des romans les plus célèbres de Monsieur Paul Auster, Monsieur Vertigo que je la clôture donc.
Contrairement à la personne qui partage ma vie, je ne suis pas un inconditionnel de l'auteur, j'ai du lire deux ou trois romans de son immense bibliographie, mais cela m'a suffit pour savoir que l'homme adore effectivement mettre une pincée de surnaturel et de magie dans ses romans, et sa présence parmi les romans autour des "histoires extraordinaires" ne m'a donc pas surpris plus que de raison.
Toutefois, il faut savoir que Monsieur Vertigo tranche quelque peu avec les autres romans d'Auster, car ce dernier, et notamment, avec sa Trilogie new yorkaise, privilégie plutot l'intimiste et le contemporain auxquels il agrémente un peu de merveilleux. Rien de cela dans Monsieur Vertigo. Dans cette saga qui suit, du début des années 20 à la fin des années 1980, la vie d'un jeune garçon, Walter, né dans le dénuement le plus complet et qui va se réveler aux yeux du public grâce à un homme. Ce dernier, dénommé, Maître Yéhudi voudra coute que coute lui faire déveloper ce don qu'il a senti chez lui dès les premiers instants de leur rencontre : le pouvoir de voler et tutoyer les oiseaux et les anges, par la lévitation transcentale.
On voit donc que l'ambition de Paul Auster est à la fois de nous raconter une fable à la Grimm ou à la Andersen, mais également, dans le même récit, de nous narrer l'histoire des états Unis à la façon de Mark Twain ou Steinbeck.
Et la réussite est, selon moi, à la hauteur du défi, tant la lecture de Monsieur Vertigo est un vrai enchantement et un plaisir à différents niveaux.
Celui, en premier lieu, de faire connaissance avec des personnages haut en couleurs : Maitre Yehudi évidemment, qui parait d'abord comme un gourou sans scrupule et qui, à la fin de l'épopée, paraitra comme un père spirituel à la sensibilité exacerbée, mais aussi Maman Sioux et Eusope, personnalités hors du commun que rencontrera Walter au cours de sa destinée.
Suivre les traces du jeune Walter, c'est aussi aller à la rencontre de cette Amérique mythique, gangrenée par la violence et le racisme, mais qui est aussi une terre d'asile des laissés-pour-compte. Pays de tous les contrastes et de tous les possibles, dans lequel un jeune garçon peut renaître plusieurs fois de ses cendres, nonobstant les coups du sort qui se dresseront sur sa route, tel le fameux Phénix.
Tout cela est absolument ionnant, car pourvu d'une intensité dramatique dans les situations et dans les personnages qui possèdent une consistance et une sincérité extraordinaire.
Je n'ai évidemment pas employé ce terme au hasard, et vous l'aurez compris, pour moi ce livre mérite largement de l'emporter parmi les 4 de la sélection de l'histoire extraordinaire.