Cannes 2025- ENZO- de Laurent Cantet et Robin Campillo : adolescence en chantier

« Un film de Laurent Cantet réalisé par Robin Campillo » : le générique de « Enzo », présenté à Cannes en ouverture de la « Quinzaine des cinéastes », et vu pour notre part en amont en projection presse sur Paris, met de suite la puce à l'oreille si on ne connait pas la genèse singulière du film.
Il faut savoir que Laurent Cantet, décédé en avril 2024, n'a pas pu tourner son dernier scénario. Robin Campillo, son ami de longue date, a pris le relais.

Un film à 4 mains
Si Laurent Cantet a eu le temps de sélectionner les acteurs, il a laissé la réalisation à Campillo, sa santé s’étant brusquement dégradée quelques semaines avant le début du tournage. Enzo porte donc la patte de ces deux cinéastes amis.
Le résultat donne donc ce film étonnant qui opère une synthèse de leur deux univers Avec cette histoire d'un transfuge de classe paradoxal, un ado de 16 ans issu d'un milieu aisé de La Ciotat qui souhaite larguer les amarres avec sa famille et devenir maçon, le film est traversé par les obsessions de Laurent Cantet : la jeunesse et ses indécisions, , l'apprentissage et ses obstacles, avec en toile de fond la Ciotat qui donnait déjà le cadre du film l'Atelier .
Il est aussi question de déterminisme social dans ce scénario très intelligent qui parle de transfuge de classe de façon inversée. Ce jeune Enzo tarde à s’intégrer à l’équipe et agace les autres employés. Parfois des éclats d’enfance ent sur son visage déjà grave.
Après une visite du futur propriétaire, qui note le travail approximatif d’Enzo, son chef, furieux, le ramène chez ses parents. Ils habitent dans une luxueuse villa avec vue imprenable.

Dans le même temps, « Enzo » renvoie également aux obsessions qui hantent Robin Campillo, cinéaste ionné par la question du désir et de la transgression et on pense pas mal à Eastern Boys en le regardant aussi.
On peut penser que si Cantet avait tourné le film, le résultat aurait été un peu différent, moins dans l'émotion et la sensualité, plus dans la chronique sociale et dans l'âpreté, mais ce mélange profond du rythme de l'un et de la sensualité de l'autre rend Enzo proprement bouleversant.
Enzo, portrait fin et délicat d’une adolescence en chantier , est donc également et surtout l’aboutissement d’une longue et lumineuse histoire d’amitié.
« Enzo » (1 h 42), avec Elodie Bouchez, Eloy Pohu…Présenté à la Quinzaine des cinéastes
En salle le 18 juin.
Le film sera présenté en avant première sur Lyon au cinéma le Comoedia le mercredi 11 juin en présence du réalisateur Robin Campillo